Anatomie de la rédaction web : dans les coulisses de l’écriture d’un article web
Anatomie de la rédaction web : dans les coulisses de l’écriture d’un article web
1 novembre 2018
« Tout le talent d’écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots ». Si vous pensez comme notre ami Gustave Flaubert et que la rédaction web n’est, pour vous, qu’un énième exercice de français pour les premiers de la classe en orthographe, alors vous faites aussi probablement partie de ceux qui sont perplexes lorsqu’on leur annonce de vrais tarifs de rédaction web. Et si je vous aidais à comprendre où se trouve la valeur de cette expertise ? Pour cela, on ne va pas y aller par quatre chemins : disséquons ensemble le processus d’écriture d’un article web.
La rédaction web est une expertise peu reconnue
Que l’on soit Rédacteur web ou entreprise, on a tous entendu parler de « ce rédacteur qui vit à Perpète-lès-oies (pour ne pas citer MADAGASCAR) et facture 5 € l’article ». Un tarif qui, au choix, fait faire une syncope à un Rédacteur web français ou fait miroiter des étoiles dans les yeux d’un commanditaire (étoiles qui s’éteignent assez rapidement d’ailleurs lorsque le texte a été livré).
Disons-le clairement, la rédaction web souffre de son manque de reconnaissance en tant qu’expertise, ce qui rend les choses difficiles pour nous, experts de la rédaction web, de facturer un tarif « normal », c’est-à-dire suffisamment correct pour pouvoir vivre de notre métier à plein temps sans devoir pointer au fast-food du coin pour joindre les deux bouts.
Comment blâmer les entreprises ? Nombreuses sont celles qui n’ont absolument aucune idée de ce qu’implique un exercice de rédaction web, et vont donc avoir du mal à faire une dépense significative pour obtenir du contenu de qualité. J’ai l’impression que les choses s’améliorent cependant au fur et à mesure que les entreprises se cassent le nez en faisant appel à du low cost, mais au vu de certaines discussions que j’ai eues récemment, je dois bien avouer que ce n’est toujours pas gagné.
Et quoi de mieux pour comprendre la valeur d’une prestation que de décortiquer de A à Z tout le travail et les compétences mis en branle sur l’écriture d’un article web ? Mesdames et Messieurs, je vous invite à pénétrer dans l’intimité de mon travail quotidien !
Les étapes de la rédaction d’un article web
Avant tout, il va de soi qu’un bon Rédacteur web n’était pas qu’un bon élève en cours de français. Il doit savoir écrire sans fautes, certes, mais doit aussi :
- avoir une culture générale au top ;
- lire beaucoup pour enrichir son vocabulaire (sinon les articles se ressembleraient tous et seraient sans saveur) ;
- avoir un bon bagage en marketing digital et en Content Marketing ;
- maîtriser les codes de la rédaction web ;
- et avoir suffisamment d’entraînement pour ne pas mettre des jours sur un seul article (sinon… ce n’est pas rentable, tout simplement).
Passons maintenant à la technique !
1. La phase préparatoire de l’article web
Lorsque j’écris un article web, je dois en premier lieu bien comprendre qui est mon client et les clients de mon client. Je dois m’imprégner de ses valeurs, de ses objectifs et de sa personnalité. Ceci implique de savoir ce qu’est un persona et un tunnel de vente. Impossible de me lancer tout de go sans avoir fait ce travail ! Heureusement, une fois que tout cela est assimilé, pas besoin d’y revenir. C’est pourquoi il est important de toujours travailler avec les mêmes Rédacteurs web.
✔️ Si j’ai la main sur la stratégie éditoriale
Quand je suis en charge de la stratégie éditoriale de mon client (ce qui représente 90 % de mes projets actuels), il m’appartient de proposer des sujets intéressants à traiter. Pour cela, je dois m’assurer que le sujet en question :
- est intéressant ;
- propose un angle d’attaque novateur ;
- répond aux objectifs de mon client ;
- s’insère bien dans le Content Mapping (il prend en compte les différentes étapes de vente de mon client et s’insère dans une logique plus large que la seule rédaction de cet article).
Lorsque le sujet est validé, je passe en phase « brief » où je vais faire une recherche approfondie dans le but de créer le squelette de l’article web. Pour mener cette phase à bien, je dois savoir où et comment chercher l’information, comment évaluer sa pertinence, recouper les informations… Enfin bref, tout le travail d’un spécialiste de la veille qui doit connaître parfaitement les ficelles de Google, des opérateurs booléens, des recherches via les réseaux sociaux, des flux RSS etc. Le tout avec un sens critique suffisamment développé pour ne pas tomber dans le piège de l’information subjective souvent dispensée dans les articles « putaclics » ou politiques (un exemple que l’on retrouve même dans les plus grands journaux qui pour beaucoup sont tombés dans le sensationnalisme).
🛑 Si je n’ai pas la main sur la stratégie éditoriale
En général, les Rédacteurs web se voient fournir un brief dès le départ. Ils peuvent donc zapper toute la partie ci-dessus, ce qui ne les empêche pas de devoir faire un travail de veille préliminaire pour alimenter le brief initial, souvent incomplet. Il arrive tout de même parfois que certaines agences web donnent juste un sujet à traiter et c’est au Rédacteur web de se débrouiller pour trouver les informations. Dans tous les cas, le rédacteur devra donc être aguerri aux techniques de recherche de l’information.
2. La phase d’écriture de l’article web
Hourra, le brief est validé par le client : la rédaction peut commencer !
Vous pensiez qu’il ne s’agissait que d’aligner des mots joliment présentés ? Que nenni ! La rédaction web répond à des codes bien spécifiques. En voici quelques-uns :
- La lecture sur écran est plus fatigante que sur du papier à cause du scintillement des écrans. Il faut donc éviter les phrases longues à la Marcel Proust en gardant en tête qu’au-delà de 24 mots, le taux de rétention de l’information chute de 50 % (phénomène expliqué dans ce document).
- Héritage du journalisme, on doit construire l’article sur le schéma de la pyramide inversée : 80 % des lecteurs ne s’attardent que sur le début d’un texte, on doit donc aller de l’essentiel vers le détail.
- Le texte doit être aéré, comprendre des listes à puces, des intertitres, des mises en gras sur les expressions importantes… Tout cela afin de faciliter la lecture en balayage. Pour info, voici les zones les plus lues sur un article web (schéma en F), qui sont différentes d’une lecture sur papier (schéma en Z).
- Les mots-clés doivent être sélectionnés avec soin et disposés judicieusement et naturellement. Si les mots-clés sur lesquels positionner l’article ne sont pas fournis, il appartient au Rédacteur web de savoir comment les trouver et les choisir. Ceci implique de bien connaître les outils dédiés. Pour ma part, j’utilise en général Yooda, Semrush, Google Trends, Wincher et les suggestions Google. Cela me permet également de développer le champ lexical du thème abordé dans l’article.
- Un vrai travail sur le cocon sémantique doit être fait via le maillage interne. Cela nécessite donc de parcourir le site du client en long, en large et en travers pour repérer les contenus qui peuvent être liés à celui en cours d’écriture, et pour même prévoir les futurs contenus connexes histoire de bosser dès le début en « mode dossier ».
Ce travail d’écriture nécessite une expertise spécifique ainsi que plusieurs heures de travail pour un seul article, sans parler des différentes étapes de validation avec le client… qui peuvent parfois prendre plus de temps que l’écriture d’un article web en lui-même. C’est pour cela qu’il est important que le client fournisse un brief aux petits oignons ou qu’il soit impliqué dès le départ lorsque c’est le Rédacteur web qui propose sujets et briefs. Certains clients font l’impasse là-dessus parce qu’ils n’ont « pas le temps » et se retrouvent avec un article qui ne correspond pas du tout à ce qu’ils avaient imaginé. Cela fait perdre du temps à tout le monde, en plus de générer de la frustration inutile de part et d’autre.
3. La phase de diffusion de l’article web
Une fois l’article web validé, le rédacteur peut être amené à intégrer lui-même l’article dans le CMS du client ou à livrer une version HTML. A noter que parfois il ne fait rien de tout cela si son client dispose de quelqu’un en interne, mais ce n’est pas la norme quand on sort du « club » des agences web.
A ce stade, on entre dans une strate encore plus technique de la rédaction web. Un simple copier-coller en back-office ne suffit pas, même si le nouvel éditeur Gutenberg de WordPress permet de gagner un temps considérable de ce côté-là. Voici quelques exemples :
- Bien caler les titres et sous-titres (les fameux H2, H3, etc.).
- Insérer les espaces insécables (le fameux «   » ) manuellement pour éviter les points d’exclamation, d’interrogation et double-points orphelins sur une ligne.
- Mettre en évidence chapô et conclusion.
- Trouver des illustrations adéquates (ce qui m’a déjà pris plus d’une heure), les optimiser pour améliorer la vitesse d’affichage de la page et renseigner les différentes balises.
- Choisir les liens à mettre en nofollow, en noreferrer, en canonical ou en target= »_blank » rel= »noopener » (voici à quoi ça sert).
- Indiquer la metadescription, le metatitle et les données Open Graph pour les réseaux sociaux (ce qui nécessite aussi de redimensionner chaque image à la une).
En moyenne, lorsque l’article est bien structuré initialement et que la recherche iconographique a été faite, l’intégration d’un seul article me prend entre 20 min et 1h suivant sa complexité en termes d’architecture de l’information. Pour cela, il m’a fallu apprendre et comprendre un minimum le HTML, mais aussi le CSS pour certaines mises en forme (ajout d’un padding, définition d’une couleur hexadécimale…).
Ce que vous voyez VS ce que voit un Rédacteur web
Enfin, le Rédacteur Web est parfois aussi Community Manager, il va donc s’assurer de diffuser ce contenu sur tous les canaux utilisés dans la stratégie éditoriale de son client. Par exemple, pour mon side project Zone Blanche, après chaque publication, je prévois un tweet, un post Facebook, une story Instagram, et je crée une épingle dédiée pour Pinterest en utilisant un template créé pour l’occasion (voici le résultat). Tout cela peut me prendre facilement une heure de travail.
4. La phase d’analyse de l’article
Si derrière la rédaction web se trouve un Content Manager (comme c’est mon cas), il va s’attacher à analyser la performance des contenus diffusés. Pour cela, il dispose d’une batterie d’outils dont le plus utilisé est Google Analytics. Il revêt ainsi une nouvelle casquette et va s’extraire des mots pour triturer des chiffres dans tous les sens. Il va jauger le comportement des visiteurs avant d’adapter sa stratégie pour les futurs contenus. Par exemple, si je détecte que les articles d’une certaine catégorie trouvent leur public plus facilement que d’autres, je vais avoir tendance à mettre les bouchées doubles sur celle-ci (sans délaisser les autres catégories toutefois).
Et si je constate qu’un article en particulier remonte beaucoup et qu’il est « vieux », je m’empresse de lui donner un coup de jeune et d’actualiser son maillage interne.
Qu’est-ce qu’un bon tarif en rédaction web ?
Vous voyez bien avec cette « anatomie » qu’un Rédacteur web met en branle un véritable arsenal de compétences lorsqu’il écrit un article web, même s’il ne s’occupe pas de la diffusion, de l’analyse du contenu et qu’un brief lui a été fourni. Il est impensable de demander à un Rédacteur web de faire du bon travail s’il y passe juste une heure.
A titre personnel, je passe environ 4h sur un article standard. Malgré mon expertise.
On peut les découper grossièrement de cette manière : 1h de veille / brief, 2h de rédaction pure, 30 min de relecture et optimisation SEO, 30 min de recherche iconographique et intégration. En serrant les fesses pour ne pas avoir par-dessus le marché 36 000 retours de mon client. Cela est bien sûr plus rapide pour un article court, mais ce chiffre peut vite grimper lorsqu’il faut faire des modifications en profondeur, que je traite un sujet particulièrement complexe ou qui nécessite de contacter plusieurs intervenants. A titre d’exemple, celui que vous lisez en ce moment même m’a pris 8h, intégration comprise, car il est très long (et pourtant sans brief nécessaire). Mais si vous êtes toujours là, c’est que cet article vous interpelle malgré sa longueur, n’est-ce pas ? Donc ces 8h en valent la peine.
Comment justifier des tarifs de 5 €, 25 € voire même 50 € pour écrire un article web de qualité ? Ce n’est pas réaliste. Vous pensez sans doute que cela est possible par la profusion de plates-formes low cost qui proposent une armada de rédacteurs en désespoir ou qui utilisent la délocalisation (voir cet article sur les rédacteurs malgaches, et celui-ci sur leurs conditions de travail). Mais ne vous voilez pas la face : vous aurez dans la majorité des cas un article inexploitable en l’état, sans saveur, qui ne sera qu’une synthèse maigrichonne des premiers résultats Google sur la thématique de votre article. Sans parler des rédacteurs qui sabordent eux-mêmes les tarifs de la rédaction web : ceux qui ne savent pas se vendre et les étudiants qui font cela pour arrondir leurs fins de mois.
L’avis d’Alice Bertran,
Consultante web freelance
« La rédaction web est parfois dénigrée en tant que « métier » à part entière, alors que le web est composé d’écrits. La plupart de ce qu’on lit sur le web est rédigé par des rédacteurs-trices web donc… tout travail mérite salaire. Et un salaire décent ! Les entreprises qui souhaitent faire appel à des freelances qualifiés et qui proposent des tarifs à 0,02 centime par mot… (true story) ne se rendent pas compte du travail qu’est la rédaction web.
Petite anecdote : alors que je donnais ma grille de tarifs à un prospect (qui, de surcroît, est venu vers moi) il m’a clairement signifié que mes tarifs étaient trop hauts par rapport à son excellent rédacteur web (2 fois moins cher)… Un peu de chantage professionnel pour faire descendre nos tarifs ?
Chères entreprises, ne succombez pas aux sirènes de l’avarice ! Le travail d’un rédacteur web mérite une rémunération à la hauteur de son activité, ses compétences et son talent. Est-ce qu’on demande de baisser le prix d’un plat que l’on vous sert au restaurant ? »
Vous êtes bien sûr libre de choisir une prestation low-cost, mais gardez en tête qu’un travail express et bon marché est dans l’immense majorité des cas un travail bâclé (cf : cette infographie pour mieux comprendre), et vous allez perdre encore plus de temps pour repasser derrière avant que votre contenu vous soit un minimum utile.
De plus, l’expertise est quelque chose qui se paye, tout comme vous préférez probablement acheter votre beignet chez le boulanger plutôt qu’un beignet décongelé dans la grande distribution. Vous aurez le produit, mais la qualité sera bien différente.
Enfin, en encourageant ce type de pratiques, vous participez au nivellement de la profession vers le bas, et il deviendra de plus en plus difficile de trouver des rédacteurs réellement compétents et consciencieux pour la simple et bonne raison que, sans clients prêts à payer un tarif décent leur permettant de vivre, ils vont changer de métier. Tout simplement.
Pour vous faire une idée des vrais tarifs de rédaction web, je vous conseille de lire l’article de Miss SEO, et celui très haut en couleur de Press Enter. Pour vous donner une fourchette, les Rédacteurs web, Content Managers et Community Managers que je connais n’ont aucune honte à facturer entre 150 et 200 € l’article (et même plus) et leurs clients ne se sentent nullement lésés, bien au contraire : la qualité est au rendez-vous, ainsi que le retour sur investissement !
Merci Alexandra pour ton article.
Si je comprend bien un article = 5 heures de travail, facturé 200€ HT. Ce qui donne un prix de 40€ HT de l’heure.
C’est cela ?
Pierre
Hello Pierre,
Oui c’est à peu près sur cette base que j’ai calculé, même si en réalité c’est un peu plus quand même pour 5h de boulot (sachant qu’on est à bien plus en comptant les multiples validations client). Mais faut rester réaliste, ça reste compliqué de vendre un article au tarif qu’il devrait avoir :/